Beaucoup de personnes se sentent dépassés, lorsqu’ils apprennent le fonctionnement de notre couple.
Ils n’arrivent pas à remettre en cause l’amour qui nous unit car il est évident. Mais ils n’arrivent pas non plus à se projeter sur (au-delà même de la confiance) l’état d’esprit qui doit animer chacun dans le couple afin de vivre celui-ci librement.
Il y a évidemment en premier lieu les aprioris, le plus tenace étant celui du sacrifice de l’un pour le fantasme de l’autre. La seconde idée très répandue est que ce partage implique un manque et donc de fait un problème structurel dans le couple qui le mènera à sa perte : c’est une histoire de temps. Enfin le dernier grand apriori est celui qui consiste à penser que si on peut partager c’est que l’on n’aime pas assez.
En général ces réactions sont plus épidermiques que réfléchies et montrent chez ces personnes là les limites conscientes ou non de leurs propres relations. Ces gens pensent souvent également qu’un couple, si il est libertin, doit passer ses week-ends à courir la partie fine dans les endroits les plus scandaleux de la capitale, bref ce ne sont pas des gens sérieux, ils ne doivent même pas fêter la Saint Valentin si ça se trouve ! L’héritage judéo-chrétien sur lequel je reviendrais n’est pas loin.
Ensuite il y a les positifs curieux, ceux qui, tolérant, s’informent non pas forcément pour suivre la même voie, mais pour comprendre la dynamique du couple, la manière dont il s’épanouit dans une relation si différente de la leur.
Enfin il y a ceux qui cherchent la caution. L’exemple parfait qui pourra leur permettre de se lancer dans l’aventure. parmi eux, il y a le couple amoureux, en phase, qui fébrile à l’idée de sauter le pas et de se faire mal se nourrit d’expériences positives afin de se donner du courage. On en à tous besoin à un moment ou à un autre. Et puis il y a ceux qui ne sont pas sur la même longueur d’onde, et lorsqu’une seule personne dans le couple souhaite amener l’autre à son fantasme, il est plus aisé de procéder par ricochet ou d’utiliser un filtre. Je ne sais pas si ça fonctionne, mais dans tous les cas il me parait plus sage, honnête et respectueux de parler ouvertement de ses fantasmes avec la personne que l’on aime.
Dans tous les cas il y a une chose très importante, un postulat de base, que tous ces gens oublient : chaque couple est différent, chaque chemin est unique et nous ne demandons à personne ni d’avoir confiance en nous, ni de suivre nos pas et logiquement, ni de nous juger. C’est pour cela que les rares personnes qui simplement s’en fichent sont un bol d’air pur.
Je ne pourrais jamais dire que ma vision du couple et de l’amour est la seule et l’unique. Elle est celle qui me convient, à moi. Nous sommes tous différents.
Et pourtant il est simple d’opposer aux aprioris le statistiques sur les couples cocus, illégitimes, qui divorcent, qui sont malheureux etc. etc. La vérité c’est que tant que l’on est pas honnête et ouvert l’un vis à vis de l’autre n’importe quel couple peut tanguer, n’importe quelle confiance s’effriter.
La seule force que je peux mettre en avant et qui clairement me vient du libertinage, c’est la complicité intense et nue, qu’il implique dans le couple, fortifiant naturellement la confiance et la force que parfois nécessite le partage d’une envie, un fantasme intime ou même un changement de coeur. Il me semble que cela permet de souffrir moins.
Je me souviens d’une discussion sur le thème des déviances que j’ai eu avec un ami. C’était intéressant sociologiquement car les arguments présentés montraient justement très bien tout l’héritage religieux et culturel que nous avons en nous, alors même que nous pouvons ne pas être religieux, ce qui était le cas de cet ami.
Nous évoquions, concernés, la situation d’une amie obèse dont l’homme avec qui elle était en couple depuis de nombreuses années, fantasmait uniquement sur ce type de physique, correspondant à l’obésité morbide. Je précise “concernés” car la santé de notre amie se voyait déjà à 35 ans affectée à de nombreux niveaux par sa corpulence.
Il ne s’agit évidemment pas d’accabler plus encore les personnes concernés par l’obésité dont la perte de poids est un défi harassant et quotidien qui s’ajoute au regard malveillant, jugeur ou dégouté du passant et de la société.
Mais je trouvais adéquat la notion de déviance concernant l’amoureux de notre amie car au delà d’avoir des critères physiques que je ne partageais pas mais qui en soit n’était ni importants ni pertinents, il participait activement à entretenir une maladie, une maladie reconnue, qui non seulement entraîne des souffrances croissantes au quotidien mais réduit également significativement l’espérance de vie (entre 10 et 14 années de moins selon les études).
Mon ami, souhaitant faire un rapprochement audacieux avec une manière de vivre sa sexualité qui n’était pas non plus la sienne, décida à ce moment d’amener l’idée du candaulisme dont il me savait friand, dans le but d’enrichir la case des déviances sexuelles.
Je ne pourrais pas dire aujourd’hui si il s’agissait d’une provocation sans véritable fondement, d’un jugement détourné, ou d’une manière de me dire que j’étais mal placé pour participer au débat, d’ailleurs ce n’est pas très important car ce n’est pas ce qui est intéressant.
Non, ce qui est intéressant, c’est le pourquoi ? Et la confusion dans les notions. Très vite, comparer une maladie aussi grave que l’obésité morbide, et le plaisir que peut avoir un homme ou une femme à voir sa moitié s’épanouir le temps d’un instant dans les bras d’une tierce personne avec un consentement collégial ne pouvait pas tenir honnêtement. Il a donc cru pouvoir ruser en invoquant l’idée de la monogamie et donc déplacer un débat sur la sexualité à un débat moral “l’être humain est… l’être humain doit”. Inquiétant car la moralité à la fâcheuse tendance à confondre nature et culture et ce débat place vite la reproduction comme repère absolu.
C’est à ce moment qu’il devenait nécessaire de rappeler que son raisonnement n’avait rien avoir avec la sexualité de Sapiens ni même celle de Homo tout court. Que seule une culture développée par certains monothéismes avait érigée la monogamie comme norme (et de manière tellement hypocrite… mais je digresse).
Enfin, histoire de prendre la mesure de l’importance de cette culture à l’échelle de l’être humain, je lui rappelais qu’elle correspondait environ à 1,5% de l’histoire d’homo sapiens, et moins de 0,01% de l’histoire des êtres humains. Évoquer l’homosexualité des temps anciens, la polygamie des civilisations primitives, la place de la femme dans la civilisation celte n’était pas nécessaire, puisque la banale fellation devenait une déviance selon les critères que mon ami évoquait. Et c’est ce qui finit par nous rassembler, car tout de même il fallait raison garder et préserver la pipe.
Je ne lui en veux pas car c’est notre héritage culturel inconscient et on ne se rend plus compte ni du poids des mots, ni de leur signification et encore moins de la manière dont ils nous façonnent et des structures intellectuelles dans lesquelles ils nous cantonnent, continuant d’entretenir déséquilibres, inégalités, frustrations et souffrances. J’en veux pour preuve une recherche toute bête sur Google : “opposé de monogamie” vous trouverez “adultère” avant “polygamie”.
Par contre le pourquoi reste en suspend… pourquoi ce rapprochement entre la manière épanouie, complice et même épicurienne parfois que nous avons ma moitié et moi de vivre notre couple, et l’état de santé préoccupant dans lequel se trouve notre amie à cause du fantasme égoïste et superficiel de son compagnon, qui profitant de sa faiblesse entretenue par des années de complexes et de regards rabaissants use de son emprise sur elle pour la mettre un peu plus en danger chaque jour ?
Je ne peux comprendre … À moins que ce soit un appel à l’aide ? Mais comme je l’ai dis avant, le seul que j’ai à donner c’est celui de l’honnêteté vis à vis de l’autre. Pour le reste chaque couple est différent, chaque chemin est unique et nous ne demandons à personne ni d’avoir confiance en nous, ni de suivre nos pas et logiquement, ni de nous juger.